lundi 24 septembre 2012

La supraconductivité



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BOSON DE HIGGS: UNE DÉCOUVERTE DU LHC SELON MICHEL SPIRO (CERN)
Ce matin, grande messe au Cern, où un séminaire de physiciens annonce la découverte - ou quasi - du boson de Higgs. Michel Spiro, Président du conseil du Cern, commente cette annonce dans une interview exclusive pour {Sciences²}.
Michel SpiroQu’est-ce que les physiciens du LHC (Large hadron collider), l’accélérateur de protons du Cern ont finalement trouvé ?
Michel Spiro (photo): L’annonce faite en lever de rideau de la conférence mondiale de Melbourne signifie que nous avons bien trouvé le boson de Higgs - plus exactement la particule proposée dans les années 1960 par trois physiciens, Brout, Englert, et Higgs. Le doute qui pourrait subsister est bien mince: il y a un risque sur dix millions qu’il puisse s’agir d’une fluctuation statistique ! Il y dix mois, nous avions un signal de l’apparition de cette particule dans les collisions entre protons du LHC et nous l’avions rendu public. Mais ce signal, même si l’indication semblait intéressante et conforme à l’une des prédictions théoriques, était encore compatible avec une simple fluctuation statistique du «bruit de fond». Depuis, le nombre d’événements où apparaît le boson de Higgs a augmenté et s’il demeure encore une toute petite incertitude par rapport à nos très sévères exigences de preuves, nous sommes vraiment au bord de la découverte. La présenter ou non comme une découverte me semble plus psychologique qu’une véritable incertitude scientifique.
Cern LHC Philippe Mouche
(Ci-dessus un schéma de principe du LHC et de ses détecteurs (CMS, Atlas, Alice et LHCb), Cern Philippe Mouche)
Quelle est donc cette mystérieuse particule, ce boson de Higgs et pourquoi était-ce si important de la découvrir ?
Michel Spiro: Cette particule affiche une masse, que nous exprimons en milliards d’électronvolts car masse et énergie se confondent, vers 125 GeV (Giga electronvolts). Nous avons mis si longtemps à la découvrir, plus de 40 ans après son «invention théorique», parce qu’il fallait pour y parvenir construire une machine assez puissante, et seul le LHC, un collisionneur de protons de 27 kilomètres de circonférence pouvait répondre à cette exigence. Le boson de Higgs constituait le chaînon manquant - la seule particule encore non détectée - du Modèle Standard qui permet de décrire et comprendre le monde qui nous entoure, du moins pour ce qui concerne les particules élémentaires. En outre, il y joue un rôle déterminant, puisque c’est le champ de Higgs et ce boson qui sont censés «donner» leur masse aux particules de matière, tandis que les photons, les particules de la «lumière» - l’ensemble du rayonnement électromagnétique - en sont dépourvues.
Tableau particules
Comment s’effectue ce «don» d’une masse par le boson de Higgs aux particules de matière ?
Michel Spiro: Les physiciens conçoivent cette acquisition de la masse comme la conséquence d’une interaction entre les particules de matière et le champ de Higgs, dans tout l’espace temps. Le vide quantique aurait donc une sorte de viscosité, et les particules une inertie liée à leur déplacement. Leur masse ne serait donc plus une propriété intrinsèque mais une propriété partagée entre les particules et le vide. Et cette interaction aurait une histoire.Atlas
Elle n’aurait donc pas toujours existé ?
Michel Spiro: notre théorie, confortée par la découverte du boson de Higgs, dit en effet que, lorsque l’Univers tout entier était très dense et très chaud, quelques instants après le Big-Bang, cette viscosité n’existait pas… et toutes les particules étaient dénuées de masse et beaucoup plus semblables les unes aux autres. La température qui correspond à ce seuil est très élevée, chaque particule de l’Univers avait alors une énergie d’environ 1000 GeV.
Mais les conséquences cosmologiques de la découverte d’un boson de Higgs à 125 GeV ne s’arrêtent pas là. Il pourrait être lié à ce qui s’est passé encore plus tôt dans l’histoire de l’Univers, lorsque son énergie par particule était de 10 puissance 15 à 10 puissance 19 GeV avec l’épisode baptisé «inflation» - la taille de l’Univers a alors augmenté à une vitesse prodigieuse - un épisode énigmatique qui fascine les cosmologistes et les physiciens. L’intérêt de cette spéculation théorique est avivé par la découverte d’un boson de Higgs plutôt «léger», car cela pourrait correspondre à l’existence d’autres particules, dites supersymétriques, qui pourraient être produites dans l’avenir par le LHC. En outre, même s’il sera impossible d’expérimenter à ces énergies de l’épisode inflationnaire, le télescope de l’Agence spatiale européenne Planck pourrait découvrir dans le rayonnement cosmologique dont il fait la carte une trace de cet épisode.
Quelles perspectives cette découverte ouvre t-elle pour la physique des particules ?
Michel Spiro: La première est de consolider la stratégie européenne avec l’exploitation du LHC. En 2013, nous allons renforcer la machine - il nous faut refaire 10.000 souduressur les aimants - afin de monter progressivement sa puissance des 4 TeV (mille milliards d’électronvolts) par proton aux 7 TeV prévus au départ. Nous espérons arriver aux 7 TeV avant 2015 et tourner ainsi jusqu’en 2020. Puis, nous aurons encore probablement dix ans d’exploitation avec une intensité de collisions accrue du LHC pour étudier le boson de Higgs, et les particules supersymétriques qui pourraient apparaître. Le LHC a encore des marges de progrès. Nous envisageons de «pincer» ses faisceaux par des aimantsSalle LHCsupraconducteurs en Niobium/étain pour multiplier par dix le nombre de collisions par seconde. Cela mettra à dure épreuve les détecteurs, soumis à des radiations puissantes. Ce programme nous mène jusqu’en 2030. (photo salle de contrôle du LHC).
Et ensuite, quel est l’avenir du Cern ?
Michel Spiro: Le Cern va rester au moins pour les 18 années à venir le centre mondial de la physique des particules. Nous sommes les seuls à occuper la frontière de cette recherche fondamentale, et aujourd’hui 10.000 physiciens de 60 pays utilisent le LHC. Cette frontière est coûteuse, il n’y a donc pas de machines équivalentes et concurrentes, or seuls l’Europe et le Cern sont capables d’attirer la planète entière dans une collaboration mondiale. De plus en plus de pays, en plus des Etats membres, sont en discussion pour acquérir le statut d’associé: la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil… Quant aux Etats-Unis et au Japon, ils participent un peu «à la carte». Pour la suite, nous avons plusieurs idées. Construire une «usine à bosons de Higgs», les produisant en grand nombre et de manière plus propre, avec un collisionneur linéaire électrons contre électrons. Mais nous pourrions aussi multiplier par trois l’énergie du LHC en changeant tous les aimants supraconducteurs en niobium/titane par des niobium/étain.
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Pourquoi boson de Higgs et pas de Brout/Englert/Higgs ?
C'est la faute de Steven Weinberg, prix Nobel de physique 1979, qui l'avoue ainsi:  «Dans son livre récent (...), Frank Close souligne qu’une erreur de ma part est partiellement responsable de l’expression « boson de Higgs ». Dans mon papier de 1967 sur l’unification des forces faible et électromagnétique, j’ai cité le travail de 1964 de Peter Higgs et de deux autres groupes de théoriciens. (...) Quant à ma responsabilité dans le nom de « boson de Higgs », elle est due à une erreur dans ma lecture des dates de ces trois premiers papiers : j’ai cru que le plus ancien était celui de Higgs, de sorte qu’en 1967 j’ai cité Higgs en premier lieu, et j’ai continué à le faire depuis. Apparemment, d’autres physiciens m’ont suivi. Mais comme le signale Close, le premier papier des trois que je citais était en fait celui de Robert Brout et François Englert. Pour atténuer mon erreur, il faut remarquer que Higgs et Brout et Englert ont travaillé indépendamment et à peu près en même temps, ce qui fut aussi le cas du troisième groupe (Gerald Guralnik, C.R. Hagen et Tom Kibble). Mais le nom de « boson de Higgs » semble lui être resté » (New York Review of books, mai 2012).
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 Ici, une longue note publiée lors de la mise en service du LHC expliquant l'histoire et les objectifs de cette machine mondiale.
 Ici, une interview de Michel Spiro, le président du Cern, sur le LHC, ses objectifs, lorsque le LHC a battu le record d'intensité du faisceau de protons.
► Ici une note alors que les rumeurs sur le boson de Higgs allaient fort et où le directeur général du Cern  Rolf Heuer explique les règles de la communication avec le public et les critères de preuves exigées par les physiciens.
► Ici le meilleur site web en français sur le LHC  avec une grande quantité d'informations.
► Ici, sur ce site, les mystères du boson de Higgs  expliqués en bande dessinée.



Par Sylvestre Huet, le 4 juillet 2012

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